La lettre des protéines végétales N°64 (juillet 2017)

PROVEGGAS : RENDRE ATTRACTIVES LES PROTÉINES VÉGÉTALES AU PLUS GRAND NOMBRE

Telle est l’ambition affichée de Proveggas, projet de R&D collaboratif lancé début 2017 et labellisé par les pôles de compétitivité Vitagora (à Dijon) et Céréales Vallée (à Clermont-Ferrand). Pour ce faire, le projet s’intéresse aux trois leviers de décision d’achat, à savoir l’intérêt nutritionnel, l’intérêt organoleptique et la praticité de préparation. Pour le premier, le projet vise à maximiser les apports nutritionnels des légumineuses dans le régime alimentaire et améliorer leur digestibilité pour un meilleur confort intestinal. Pour le second, il s’agira de sublimer le goût, la texture et le visuel des préparations à base de légumineuses. Enfin, pour l’aspect pratique, l’objectif est de faciliter la préparation des plats à base de protéines végétales. Les partenaires de Proveggas seront donc amenés à développer de nouvelles gammes de produits alimentaires élaborés et semi-élaborés à base de protéines végétales, et des procédés et appareils de préparation culinaire, pour différents types de consommateurs ( jeunes/adultes, adeptes des circuits GMS ou magasins spécialisés) et moments de consommations (petit déjeuner, sandwichs, plats complets, préparations « fait maison »). Porté par la PME Philibert Savours, Proveggas rassemble quatre partenaires privés (Philibert Savours, Groupe SEB, Avril, Brueggen) et deux instituts de recherche (Institut Jean Pierre Bourgin de l’Inra AgroParisTech, UMR QualiSud du Cirad). D’une durée de 36 mois et d’un budget global de 2,6 millions d’euros, il est soutenu dans le cadre du Fonds unique interministériel (FUI 22) par l’Etat, le Conseil régional Bourgogne Franche-Comté et le Conseil général de l’Ain.

 

LES ACTEURS DE LA FILIÈRE NUTRITION-SANTÉ SE SONT RETROUVÉS À NUTREVENT

Rendez-vous incontournable pour les acteurs européens de l’alimentation, la nutrition et la santé, NutrEvent s’est tenu à Lille les 14 et 15 juin. Organisé par Eurasanté et le Pôle de compétitivité Nutrition Santé Longévité (NSL), cette cinquième édition a rassemblé plus de 600 participants français et internationaux, et accueilli près de 2000 visiteurs. Avec 15 conférences organisées sur deux jours et les différents stands sur place, NutrEvent a permis de faciliter les rencontres et partenariats entre les professionnels de la recherche académique, de la fourniture d’ingrédients et de la transformation. Comme chaque année, des NutriAwards ont également été remis pour récompenser les produits et procédés les plus innovants. Les lauréats sont : Youmeal, un logiciel en ligne qui traduit les recettes en allergènes, valeurs nutritionnelles et impacts environnementaux (the best product innovation) ; Inalve, start-up niçoise qui développe des ingrédients à base de micro-algues pour l’aquaculture (the best process innovation) ; et enfin, DiaBread, un pain pour diabétique (the NutrEvent Jury Award). Cette édition a enfin été marquée par l’annonce des résultats du premier appel à candidatures européen « innover autour de la protéine végétale au service de l’alimentation humaine », lancé par le Village by CA Nord de France. Les start-ups retenues sont : On Breakfast, « une boisson de 20cl qui concentre tous les bienfaits d’un petit déjeuner complet et équilibré 100% végétal » ; Funky Veggie, un snack en forme de boule, « 100 % naturel et gourmand » ; Mr Foodbot, « application s’appuyant sur les technologies de l’intelligence artificielle pour aider le consommateur à orienter ses choix alimentaires vers un régime plus sain » ; et enfin, Mosaïc Sushi, « des sushis vitalité et gourmets sans poisson ».

 

REIMS ACCUEILLE LE 10e PROTEIN SUMMIT

La 10e édition du Protein Summit aura lieu à Reims du 26 au 28 septembre 2017. Organisée par l’agence Bridge2Food, cette plateforme d’échange entièrement dédiée aux protéines devrait rassembler cette année encore de nombreux participants venus du monde entier, leaders de l’industrie et institutionnels, pour partager leur expertise. Comme lors de la précédente édition, plusieurs conférences seront données sur des thématiques variées, essentiellement autour des tendances de marché et innovations en matière d’ingrédients et d’aliments protéiques. Et face au succès rencontré par les Awards mis en place en 2016 (lire Positions n°62 de janvier 2017, pages 4 et 5), ces derniers seront reconduits cette année pour récompenser les innovations les plus marquantes.

 

LES PROTÉINES VÉGÉTALES : À L’ASSAUT DES RAYONS TRAITEUR ET ÉPICERIE

Fini le temps où les protéines végétales étaient l’apanage des seules marques spécialisées. L’arrivée d’Herta et de Fleury Michon dans les rayons traiteur bouscule la donne.

«Ce n’est plus une mode mais un tournant », résume Patrick Le Rüe, directeur marketing de Fleury Michon. Pour répondre à la volonté des consommateurs de réduire leur consommation de viande, l’offre de recettes riches en protéines végétales s’est terriblement élargie en 2016 en France. Il faut dire que le marché se porte très bien : le chiffre d’affaires du rayon traiteur végétal a quasiment doublé en valeur (+ 97 %) et en volume (+ 92,2 %) en 2016. Et que l’engouement ne devrait pas se tarir puisque 39 % des Français auraient l’intention de réduire leur consommation de viande selon un sondage paru en septembre 2016 (baromètre CSA pour le GEPV) alors qu’ils n’étaient que 35 % en 2014 et 32 % en 2011. Selon les estimations d’une étude Arcane, les flexitariens (consommateurs qui, sans bannir la viande ou le poisson, optent pour quelques repas végétariens) pourraient même représenter 72 % de la population française d’ici trois à quatre ans !

 

DE L’ANIMAL AU VÉGÉTAL

Alors que les protéines animales sont dans la tourmente (rapport OMS 2015 qui évoque un rôle cancérogène probable de la viande, empreinte écologique, bien-être animal), les protéines végétales affichent des signaux au vert : 94 % de consommateurs les considèrent bonnes pour la santé, 85 % comme complémentaires des protéines animales, 83 % comme indispensables à tous, 83 % qu’elles sont respectueuses de l’environnement, 78 % qu’elles sont synonymes de qualité et 76 % de naturalité (baromètre CSA pour le GEPV, voir Positions n° 61 d’octobre 2016). Dès lors, le marché de la protéine végétale ne pouvait plus être l’apanage des seules marques spécialisées comme Sojasun (groupe Triballat-Noyal) ou Céréal (Nutrition et Santé). Sentant le vent tourner, les grands noms de la charcuterie comme Herta se sont adaptés : en juin 2016, le groupe a frappé un grand coup en lançant une gamme ne comptant pas moins de dix références, sous le nom « Le bon végétal ». Même stratégie chez Fleury Michon qui, dans la foulée de son concurrent, mettait sur le marché en octobre 2016 sa gamme de six produits « Côté végétal ». Ou encore chez le spécialiste de la volaille Le Gaulois qui propose désormais la gamme « Le Gaulois Végétal » se déclinant en cinq références à base de soja garanti sans OGM et de blé : escalopes soja et blé, croques soja et blé, nuggets soja et blé, boulettes soja à la tomate et au basilic et, enfin, steak de soja.

 

LES « ANALOGUES », AU PLUS PRÈS DE LA VIANDE

Herta comme Fleury Michon l’avouent : afin de ne pas perdre leurs clients historiques, ils ont choisi de rester au plus près des dénominations et usages que les consommateurs connaissent. Autrement dit, de proposer une version « végétale » des actuels produits animaux, que certains appellent les « meat analogues » : des produits qui ressemblent à la viande, ont la couleur de la viande… mais ne sont pas de la viande. D’ailleurs, leurs lancements se positionnent clairement comme des alternatives à leurs homologues carnés, ne seraitce que dans les choix de leurs noms avec les termes de « boulettes », « pavés », « émincés », « tranches », « escalopes »…

 

Partout, l’innovation fait rage. Le groupe coopératif français Tereos a inauguré en février 2017 une unité pilote pour la production d’un « sauté végétal », innovation à base d’un mélange de protéines de blé, de farine de pois chiche et d’épices soumis à deux cuissons successives (à l’huile et à l’eau). Avantage indéniable, outre sa « végétalité » : il se conserve jusqu’à 4 mois dans son emballage, à température ambiante. La commercialisation auprès de la restauration (scolaire, d’entreprise et collective) en France et en Allemagne est en cours, ainsi que le développement de nouvelles recettes. De son succès dépendra le passage à l’industrialisation.Au Sial 2016, la start-Up Ici et là s’est faite remarquer avec sa gamme « le boucher vert » qui propose trois références végétales mais sans soja (steaks de pois chiche, poivrons, cumin ; boulettes de haricots flageolets, poireaux, muscade ; steaks de lentilles vertes, carottes, oignons) distinguées par le Grand prix Innovation dans la catégorie santé et naturalité (voir Positions n° 62 de janvier 2017). Dans cette démarche de trouver une alternative à la viande, certains vont plus loin que les autres : outre- Atlantique, Impossible Food a fait grand bruit en proposant un steak haché qui saigne comme de la viande… mais qui n’en est pas puisqu’il est fabriqué à base de blé, de noix de coco et de pommes de terre. Une médiatisation d’autant plus forte que certains restaurateurs reconnus l’ont ajouté à leur carte.

 

LES MARQUES SPÉCIALISÉES ÉGALEMENT PRÉSENTES

Les marques spécialisées avaient jusque- là une approche bien différente en misant sur des spécialités issues des cuisines du monde et mettant en valeur les protéines végétales. Mais même si la gamme de tofu, de produits à base de soja et de galettes de céréales de la marque Céréal Bio a enregistré une croissance de 23 % en 2016, le groupe Nutrition et Santé a également décidé de se lancer sur le marché des « ersatz » de viande. La technologie d’extrusion en milieu humide lui a permis de lancer en novembre 2015 une gamme « Grill Végétal ». Objectif : concurrencer les steaks, saucisses type knackis, émincés, nuggets et cordons bleus. Avec clairement en ligne de mire la jeune génération habituée aux produits issus de la restauration rapide. Les premiers résultats semblent positifs : taux de pénétration de 1,5 %, taux de rachat de 40 % et chiffre d’affaires de 1,5 M€… soit des scores qui ne sont atteints que par 14 % des nouveautés. Fort de cette expérience, le groupe a réitéré fin 2016 avec une gamme traiteur en tranches dénommée « Traiteur Végétal ». Le groupe Triballat-Noyal n’est pas en reste. Si le soja (origine France) reste son coeur de métier, le propriétaire de la marque Sojasun propose une large gamme de plats et ingrédients de substitution de la viande : steaks de soja, steaks au fromage, ingrédients comme un « haché végétal » prêt à cuisiner (par exemple pour mitonner une sauce bolognaise ou des légumes farcis) ou des boulettes aux herbes ou à la tomate, plats cuisinés, pavés. Il s’autorise désormais à jongler avec d’autres légumineuses et a lancé début 2017 des « nuggets croustillants» de soja et de blé.

 

LES RECETTES VÉGÉTARIENNES RELANCÉES

Pour autant, si « l’analogue végétarien» peut plaire à certains, il risque de ne pas satisfaire cer tains flexitariens, amateurs de bonne viande mais qui, par conscience écologique ou pour des raisons de santé, souhaitent en réduire la consommation. Dès lors, la protéine végétale sera d’autant plus attractive qu’elle ne cherchera pas à mimer la viande. La solution : s’appuyer sur des recettes existantes, qu’elles soient françaises, régionales ou exotiques. Plusieurs marques (Fleury Michon, Vitagermine, Céréal Bio, d’aucy, Guyader, Sodebo…) misent sur ce créneau, en faisant la part belle aux céréales et légumineuses. Et l’offre ne devrait pas se tarir : en épicerie, le secteur du repas végétal, qui pèse 115 M€, devrait progresser de 35 % (source : RIA 2017).

 

 

Source : Lettre_Positions_n64_Juillet_2017_HD

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