insectes et micro algues

Demain, des insectes et des microalgues dans nos assiettes ?

Que mangerons-nous demain ? Face à la demande grimpante de protéines à l’échelle mondiale, les industriels investissent le champ des insectes et des microalgues. Mais ils se retrouvent confrontés à des freins législatifs et culturels.

 

Dans les prochaines décennies, l’augmentation de la population mondiale et les transitions nutritionnelles en cours dans les pays émergents suggèrent un accroissement très fort de la demande en protéines, prévoit l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Les insectes sont vus comme une alternative à la viande idéale pour répondre à cette demande. D’ailleurs, deux milliards d’individus en mangent quotidiennement, mais pas les Occidentaux. Les microalgues, présentes encore marginalement sur le marché, constituent une autre bonne solution du point de vue des industriels. Mais avant de voir les petites bêtes à six pattes et les algues envahir nos assiettes, des freins législatifs et culturels doivent être dépassés, ont expliqué des spécialistes de la « food tech » lors d’une conférence organisée par le Fonds Français pour l’Alimentation et la Santé (FFAS), le 15 septembre 2017 à Paris, et à laquelle Sciences et Avenir a assisté.

 

La consommation humaine d’insectes est interdite en France

 

Si vous ne voyez pas d’insectes envahir les rayons des supermarchés, c’est pour une raison simple : « à ce jour, la consommation humaine d’insectes sous quelque forme que ce soit est interdite en France, bien que le consommateur puisse s’approvisionner par différents circuits de distribution », explique Jean-Michel Chardigny, directeur de recherche de l’Inra. En tant que « novel food », les insectes doivent être évalués comme tels par l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments. Néanmoins, certains pays, comme la Belgique, tolèrent déjà quelques espèces, mais à consommer entièrement (ce qui n’est pas le plus appétissant…). « Il manque des données solides en termes de digestibilité, de vitesse de digestion, sur le risque allergique et leur innocuité, détaille le chercheur. Les individus allergiques aux crustacés devront sans doute éviter la consommation d’insectes, les allergies croisées étant jugées « très probables ».

Si les Français ne peuvent consommer des insectes, leurs animaux de compagnie, si : l’huile d’insecte dans la nourriture pour chiens et chats est déjà autorisée. Et depuis le 1er juillet 2017, l’utilisation de farine d’insectes est autorisée pour les élevages de poissons. Des insectes pour nourrir les truites, une drôle d’idée ? Pas vraiment. « À l’état sauvage, les insectes sont la principale source de protéines des poissons. Les truites en consomment environ 40% », explique Guillaume Daoulas, ingénieur chez Ynsect, société productrice de protéines d’insectes. « Traditionnellement, les poissons d’élevage sont nourris à partir de farines et huiles de poissons issues de la pêche (anchois, sardines, maquereaux, harengs…), ajoute l’ingénieur. Mais il faut environ 1,5 kg de poissons pêchés en mer pour produire 1 kg de poisson d’élevage. Or, les ressources halieutiques sont en train de diminuer de manière drastique alors que la demande en protéines augmente constamment. » Avec sa ferme verticale d’insectes high-tech inaugurée en février 2017, Ynsect se focalise sur l’élevage du Ténébrion meunier (un coléoptère) et espère bientôt viser les marchés de la nutrition des volailles et des porcs, avant de pouvoir toucher l’humain. « Il faut avoir à l’esprit que la consommation d’insectes n’est pas obligatoirement synonyme de consommation d’individus adultes, les larves, chenilles ou vers étant candidats pour arriver dans nos assiettes, entiers ou sous forme d’ingrédients », conclut Jean-Michel Chardigny.

 

Du chocolat et jus d’orange à base de microalgues

 

Organismes microscopiques capables de survivre dans des environnements extrêmes, les microalgues sont déjà dans nos assiettes. Deux espèces, Spiruline ou Chlorella, sont autorisées et produites à l’échelle industrielle et incorporées dans divers aliments (sauce salade, pâtisseries), ou encore vendues sous forme de compléments alimentaires. Elles présentent un sérieux avantage : elles sont capables d’accumuler jusqu’à 70% de protéines, et produisent 50 à 100 fois plus de protéines par unité de surface que les sources animales ! « Le potentiel est important, il reste 30.000 espèces de microalgues inexploitées », explique Cécile Gladine, chercheuse de l’Inra. Des entreprises françaises, comme Algae Natural Food, produisent déjà des microalgues à l’échelle semi-industrielle (60 kilogrammes par mois). Chocolats et jus d’orange à base de spiruline, recette de pâtes aux microalgues pour remplacer les traditionnelles pâtes aux œufs… Algae Natural Food fourmille d’idées et espère produire une tonne par mois de microalgues d’ici fin 2017.

Les innovations de la « food tech » sont donc à notre portée… Mais accepterons-nous de les manger ? « Même s’ils ont, dans l’ensemble, tendance à se méfier des innovations et qu’ils recherchent la tradition et le naturel, les Français ne sont pas insensibles aux produits et services innovants de la food tech, explique le sociologue Eric Birlouez. Bien que contradictoires a priori, les deux attitudes peuvent co-exister harmonieusement. A une condition toutefois : que les innovations proposées soient perçues comme compatibles avec leurs représentations, besoins et attentes. » Eric Birlouez promet un bel avenir à la « rétro-innovation », regroupant les produits au look « vintage » s’inspirant de recettes anciennes, et le manger « mieux » (plus sain, plus éthique), tout en gardant sérénité et plaisir. Deux valeurs essentielles pour les Français au moment de passer à table. C’est pourquoi le sociologue est plus réservé sur la généralisation des insectes et microalgues dans nos assiettes. « Dans notre culture alimentaire française, ils n’ont rien de « traditionnel ». Même problème avec la future viande « synthétique » issue de cultures de cellules souches musculaires, même si certains voient dans celle-ci le moyen de résoudre les questions éthiques et environnementales posées par l’élevage. »

 

Des insectes dans toutes les assiettes d’ici 2030 ? Ce n’est pas prévu

 

Les industriels partagent le même avis : dans une enquête réalisée par le cabinet AlimAvenir en 2017, ils classent les produits à base d’insectes et d’algues parmi les tendances sur lesquelles il reste beaucoup d’incertitudes quand à leur généralisation sur le marché français à l’horizon 2030. Les experts croient davantage à la généralisation des produits bio ou à base de protéines végétales, et du flexitarisme (mais pas du véganisme, qui concerne 0,1 à 0,5% de la population française). Quant aux applications de nutrition et la digitalisation de la cuisine, elles devraient davantage se développer dans les prochaines années mais rester limitées à certaines catégories de population (souffrant de problèmes de santé par exemple). Quand à la pizza imprimée en 3D, « il y a eu beaucoup d’effets d’annonce pour lever des fonds ces dernières années, mais la technologie est loin d’être au point pour l’instant », précise Céline Laisney, directrice d’AlimAvenir. Finalement, en matière d’alimentation, rien de très « futuriste » et sensationnel à l’horizon.

 

Source : https://www.sciencesetavenir.fr/sante/demain-des-insectes-et-des-microalgues-dans-nos-assiettes_116483

 

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