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IMPROVE, 1ère plateforme d’innovation européenne dédiée aux protéines du futur

Issue d’un partenariat public-privé, Improve dédie sa recherche à la valorisation des protéines du futur. Denis Chéreau, son Directeur Général décrit les enjeux à venir de la  filière et les prochains défis à relever pour satisfaire les besoins mondiaux en protéines.

 

Quand est née Improve et quelles sont ses missions ?

Denis Chéreau : Improve est la première plateforme d’innovation européenne dédiée à la valorisation des protéines végétales et des autres protéines alternatives. Elle a été créée en 2013, regroupant autour d’elle des industriels comme Tereos, Sofiprotéol, In Vivo et Vivescia Industries, des acteurs de la bioéconomie avec le pôle IAR, de la recherche avec Extractis, l’Université de Picardie, l’Inra, et du financement. Improve est partenaire du consortium Protéines France, soutenu par l’Etat puisque depuis le rapport d’Anne Lauvergeon, les protéines sont une des 7 priorités nationales. Notre activité est d’accompagner nos clients de la conception à la réalisation d’ingrédients protéiques. Pour cela, nous disposons d’équipements de pointe pour faire du fractionnement en voie sèche et humide et de laboratoires (170 m2) pour caractériser  les produits riches en protéines, en propriétés fonctionnelles et nutritionnelles, en composition, digestibilité et organoleptique. Nous avons une halle pilote de 800 m2 et les compétences en interne pour répondre aux besoins de nos clients.

 

Quelle problématique anime Improve ?

Denis Chéreau : Ce qui nous anime est le constat que notre modèle de fonctionnement n’est pas durable ! L’agro-production mondiale représente 10 milliards de tonnes, 555 millions de protéines végétales dont les 3/4 sont données aux animaux pour produire 89 millions de protéines animales avec un rendement moyen de conversion de 4.9%. Seules 115 millions de tonnes de protéines végétales atteignent directement notre alimentation dont 2 millions de tonnes sont des protéines ingrédients (isolats et concentrats) issus principalement de soja (56%) et de blé (43%). Deuxième constat, seul 18% de la population mondiale a les moyens de consommer des protéines animales à hauteur de 60 g/jour. Ce qui signifie finalement que les 3/4 des ressources agricoles mondiales sont captées par moins de 20% de la population. Autre élément à prendre en compte, le faible rendement de conversion des protéines végétales en protéines animales par les animaux d’élevage. Bien entendu, il existe d’autres ressources à exploiter comme les microalgues, levures ou insectes. Mais aujourd’hui, les protéines végétales sont l’alternative la plus intéressante aux protéines animales aussi bien d’un point de vue nutritionnel, qu’économique ou durable. Il faut garder à l’esprit que le parcours de production de protéines alternatives quelle qu’elles soient devra être vertueux et le plus efficace possible.

 

Pourquoi cet enjeu de diversifier les sources protéiques végétales ?

Denis Chéreau : On le voit bien, l’offre actuelle en protéines végétales est monopolisée par le soja. De fait, le soja a 30 ans d’avance sur l’histoire des protéines végétales. Des procédés et des produits très qualitatifs ont eu le temps d’être développés si bien que les protéines de soja sont à des prix extrêmement concurrentiels. Le gluten de blé est la seconde source de protéines végétales à avoir réussi à s’implanter sur le marché. Pour le reste, il s’agit de sources outsiders parmi lesquelles le pois est en tête mais très loin derrière le soja et le blé. Nous pensons que proposer une offre diversifiée permettrait de relocaliser la production des protéines végétales car rappelons-le, le soja provient principalement des Etats-Unis, de l’Argentine et du Brésil même si une filière française de production de soja se développe actuellement. Par ailleurs, parmi nos clients, certains cherchent des sources protéiques alternatives au soja pour s’affranchir du risque OGM, de la présence d’isoflavones, du risque allergique, de problème gustatifs et plus globalement de l’image parfois négative du soja. La France a une carte à jouer en termes de diversité et de spécificité des territoires à produire des végétaux. Il existe une grande variété de sources de protéines végétales, exploitons-là !

 

A l’image des protéines animales, les protéines végétales recèlent-elles des propriétés fonctionnelles ?

Denis Chéreau : Les protéines végétales pour se développer devront être nutritionnelles mais le plus souvent fonctionnelles. Elles devront apporter des propriétés moussantes, gélifiantes, émulsifiantes ou texturantes. Hampton Creek (JUST) a levé 200 millions de dollars pour pouvoir screener de façon automatisée les protéines végétales et identifier ainsi plus rapidement leurs propriétés fonctionnelles. Aujourd’hui nous percevons un vrai regain d’intérêt pour les hydrolysats protéiques provenant des végétaux, mais tout reste à découvrir. les publications scientifiques sur propriétés bioactives des peptides végétaux sont de plus en plus nombreuses. Les acteurs des marchés des compléments alimentaires et des cosmétiques sont, en particulier, très intéressés par les biopeptides végétaux aux propriétés anti-bactériennes, anti-oxydantes et anti-hypertensives. Et de fait, nos clients demandent de fractionner des protéines végétales pour en extraire des peptides à activité anti-oxydante ou tensio-actives notamment pour des applications en cosmétique et souvent dans le cadre d’une démarche de clean label ou d’économie circulaire.

 

Quels sont encore les freins au développement des protéines végétales et les défis déjà relevés ?

Denis Chéreau : D’un point de vue nutritionnel, comparé aux protéines animales, les protéines végétales partent avec un handicap mais on sait qu’en combinant les céréales aux légumineuses il est possible d’apporter tous les acides aminés essentiels de façon équilibrée. Par ailleurs, l’analyse du profil en acides aminés des végétaux révèle que certaines plantes sont particulièrement intéressantes en certains acides aminés. Le maïs contient par exemple 30 mg de leucine/g de protéine soit 1,5 fois plus que le bœuf. Or, on sait que la leucine stimule l’anabolisme protéique. De même, le pois contient 120 mg d’arginine/g de protéine soit 2 fois plus que le bœuf. Cet acide aminé est connu pour diminuer la pression sanguine. Donc, le frein de ce point de vue-là est élevé.

D’un point de vue organoleptique, en revanche, il reste du travail à faire. Mais la famille des végétaux est tellement variée que l’on peut améliorer le profil organoleptique des produits en combinant les sources végétales. l’exemple typique est le sauté végétal de Tereos qui combine le pois chiche dont le goût est assez neutre voire presque laitier, au blé ce qui permet d’obtenir un profil organoleptique intéressant et de plus, un équilibre en acides aminés essentiels. De même, un travail de sensibilisation auprès de la population sur l’intérêt d’augmenter les apports en protéines végétales est nécessaire.

Autre défi à relever, l’allergénicité des protéines. On sait que le soja et le lupin sont sur la liste européenne des 14 allergènes. Les légumineuses aujourd’hui ne le sont pas, mais pour autant, le risque n’est pas exclu. Car plus on expose un consommateur à une protéine plus il y a de risque de faire une réaction allergique. Aujourd’hui, il n’est pas possible de prédire l’allergénicité d’une protéine végétale. Ceci freine incontestablement les industriels dans leur développement. Nous travaillons justement avec les chercheurs de l’Inra de Nantes sur la mise au point de tests in vitro qui permettront de prédire la réponse allergique à un extrait protéique.

L’aspect économique ne doit pas, non plus être négligé. Les protéines végétales ont tout le potentiel pour être meilleur marché que les protéines animales. Cependant, leur prix au kg dépend beaucoup de la taille des outils de production. Aujourd’hui seuls le soja et le gluten de blé sont à des prix compétitifs entre 1 et 3 euros/kg parce que les outils industriels de production sont de taille suffisante. Le prix du pois se situe entre 4 et 5 euros le kg et celui des autres protéines de légumineuses peut atteindre jusqu’à 60 euros le kg. On ne peut pas nourrir la planète sans prendre en compte ce facteur prix.

Enfin, il existe un vrai enjeu agricole autour des légumineuses dont le rendement des cultures est très lié aux conditions climatiques, aux maladies et ravageurs. Les agriculteurs les cultivent peu en France car considèrent ces cultures trop risquées. Ce qui est véritablement dommage car la culture de légumineuses est vertueuse : elle ne nécessite pas d’engrais et permet de fixer l’azote de l’air.

Je suis convaincu que dans 10 ans, des mises au point de semences, une adaptation des techniques culturales, une agriculture de précision et des procédés permettant de screener la diversité des végétaux permettront de fabriquer des produits combinant une variété de protéines végétales et à un prix accessible pour le grand public.

Source : ACTIFS 65 Dossier Proteines

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